Chapitre 40 Choisir un hébergement web

Durée : Une demi-heure à une heure.

L’objectif de cette partie est de trouver où héberger un document sur le web. Les possibilités sont trop nombreuses pour pouvoir apporter une réponse « clé en main » à cette question. De plus, conseiller une petite liste d’hébergeurs, sur lesquels seraient centralisés beaucoup de contenus « à risque », ne semble pas une bonne idée. Cette recette donnera donc plutôt quelques pistes pour choisir au mieux un hébergement.

Il est aussi possible d’héberger nous-même notre document de façon anonyme en utilisant les services onion de Tor. Pour cela, il faudra aller voir la recette sur l’utilisation d’OnionShare.

40.1 Quelques critères de choix

Il existe de très nombreux hébergeurs possibles, à tel point que l’on peut vite se sentir perdues dans la jungle des possibilités. Voici donc quelques critères pour se poser les bonnes questions. On parlera ci-dessous de document, mais ces critères valent aussi pour un projet plus ambitieux, tel qu’un blog ou un documentaire vidéo.

  • Type d’organisation : beaucoup de sites proposent d’héberger des documents « gratuitement ». Nombre d’entre eux sont des services commerciaux qui trouvent un intérêt à publier du contenu créé par leurs utilisatrices. Mais il existe aussi des associations ou des collectifs qui hébergent des projets, sous certaines conditions.

  • Conditions d’hébergement : si le document ne plaît pas à l’hébergeur, rien ne l’empêche de le supprimer sans même nous avertir. Sa charte (que l’on doit accepter lors de l’hébergement de notre document) peut souvent nous donner une idée de ce que l’hébergeur tolère ou non.

  • Conditions d’identification : dans quelle mesure l’hébergeur demande des précisions et des garanties sur nos données personnelles à fournir pour pouvoir utiliser ses services.

  • Résistance aux pressions : l’État peut, lui aussi, vouloir empêcher que notre document reste en ligne. Il lui suffit, dans bien des cas, d’intimider l’hébergeur pour que ce dernier supprime notre document. En effet, selon l’hébergeur choisi, celui-ci peut supporter plus ou moins la pression : certains attendront qu’un recours à la justice soit effectué, tandis que d’autres supprimeront notre document dès le premier email un peu menaçant.

  • Suppression du document : inversement, on peut vouloir à un moment supprimer notre document. Or, l’hébergement de documents étant un service que l’on remet dans les mains d’autres personnes plus ou moins de confiance, on ne peut pas avoir la garantie que nos fichiers seront réellement effacés à notre demande. Mieux connaître l’hébergeur peut dans certains cas nous donner plus de garanties.

  • Risques pour l’hébergeur : selon le contenu de notre document, il peut faire courir un risque à l’hébergeur, en particulier s’il s’agit d’un hébergeur qui ne souhaite pas collaborer avec les flics. Il est alors nécessaire de se demander si l’on accepte de faire courir un risque à un hébergeur, qui pourrait être amené à disparaître en cas de répression.

  • Taille du document : si notre document est « trop gros », certains hébergeurs refuseront de le prendre. Cela peut également être le cas si notre document est « trop petit ». La taille autorisée est spécifiée dans certaines offres, mais attention : certains hébergeurs rendent payantes des fonctionnalités comme l’hébergement de très gros fichiers.

  • Durée d’hébergement : selon les hébergeurs, de nombreuses offres existent quant à la durée de l’hébergement. Par exemple, certains suppriment automatiquement le document au bout d’un délai donné, d’autres s’il n’a pas été téléchargé pendant un certain temps, etc.

  • Conditions d’identification pour la consultation : afin de réduire le plus possible la possibilité que l’hébergeur ou les flics parviennent à identifier les personnes qui viendraient consulter notre document, il est important de ne pas utiliser un hébergement sur lequel elles pourraient déjà être identifiées. Ainsi, par exemple, les réseaux sociaux et autres plateformes du même genre (Facebook, Twitter, YouTube, etc.) sont à proscrire.

  • Utilisation via Tor : pour les mêmes raisons, mieux vaut nous assurer que le document pourra être déposé et/ou accessible depuis le Navigateur Tor, voire depuis un service onion.

  • Rétention des journaux de connexion : l’envoi, comme la consultation du document, peut laisser des traces compromettantes dans les journaux de connexion de l’hébergeur. Choisir un hébergeur qui ne conserve pas ces journaux ou bien les efface régulièrement permet de réduire ce risque.

  • Confidentialité du document : suivant nos besoins, on peut souhaiter que l’hébergeur propose un système de chiffrement afin que le contenu du document ne puisse pas être lisible sur le serveur, ou au contraire ne pas s’en préoccupper puisque le document sera accessible publiquement.

40.2 Type de contenu

Maintenant que l’on a quelques critères de choix en tête, essayons de rendre cela plus concret. L’hébergement adapté à notre projet dépend du type de contenu que l’on souhaite publier : texte, image, vidéo, son, etc.

40.2.1 Publier du texte

Publier du texte est souvent ce qu’il y a de plus simple.

Si le texte à publier est en rapport avec un autre texte déjà publié, il est souvent possible de poster un commentaire, que ce soit sur un blog, un forum ou un site participatif. Pour ce genre de publication, l’inscription n’est pas forcément obligatoire. Cela ne veut en aucun cas dire que la publication est anonyme si l’on ne prend pas de précautions particulières, comme par exemple utiliser le routage en oignon. De plus, notre texte étant un commentaire et non un sujet principal, il n’est pas forcément mis en avant sur le site.

Il est aussi possible de publier un texte sur un site ou un blog existant. Il faudra alors l’envoyer au site en question via un formulaire ou par mail et la publication dépendra alors des administratrices. Certains sites452 proposent la publication libre d’articles sur un thème donné.

40.2.2 Avoir un blog ou un autre site

Si l’on souhaite publier régulièrement des textes, on peut aussi choisir d’administrer un blog : de nombreuses organisations proposent des blogs déjà configurés et faciles à utiliser. On pourrait également administrer un site web, mais cette méthode demande un peu d’apprentissage.

Dans de nombreuses villes, des groupes de personnes s’intéressant aux logiciels libres ou à la liberté d’expression sur Internet peuvent être de bon conseil. Quelques listes sont aussi disponibles sur le web :

40.2.3 Publier des fichiers audiovisuels

Afin de publier des images, vidéos ou sons, pour accompagner le texte d’un article par exemple, il existe plusieurs solutions. Tout d’abord, la plupart des sites où l’on peut publier du texte proposent l’inclusion de documents audiovisuels. Ces sites proposent alors, soit de prendre des fichiers depuis notre ordinateur (qui seront donc ensuite hébergés sur leur serveur), soit d’indiquer l’adresse des fichiers déjà hébergés sur un autre serveur.

Il existe aussi des sites dédiés au partage de fichiers audiovisuels. En voici quelques-uns :

  • Enfin, on peut utiliser les outils cités dans la partie suivante sur le partage de fichiers.

40.2.4 Partager un fichier téléchargeable

Pour publier des documents que l’on souhaite rendre téléchargeables, on va aller voir du côté des services de téléchargement direct de fichiers (ou DDL pour Direct Download Link).

En français, cela signifie « lien de téléchargement direct » : on « poste » notre fichier sur un serveur de téléchargement direct, et on obtient alors un lien (une adresse web) qui, lorsqu’on le tape dans un navigateur web, permet de lancer le téléchargement du fichier.

Il existe aussi des sites de partage ou d’hébergement de fichiers. En voici quelques-uns :

Certains services permettent de stocker les fichiers de manière chiffrée sur leurs serveurs, comme ceux basés sur le logiciel Lufi.

40.3 En pratique

De façon plus concrète, il faut en premier lieu choisir l’hébergeur du fichier. Les critères présentés auparavant aident à effectuer ce choix. Il est très important de choisir un hébergeur en bonne connaissance de cause car notre anonymat peut dépendre en partie de ce choix.

Il est également possible de chiffrer le fichier à héberger. Pour cela, deux possibilités : soit l’on chiffre le fichier avant de le faire héberger en ligne ; soit l’on choisit un hébergeur qui chiffre le fichier dans notre navigateur web avant de le stocker sur ses serveurs, comme chez les CHATONS par exemple.

Afin de faire héberger notre fichier à proprement parler, la méthode exacte est différente selon l’hébergeur, mais le principe reste le même. On va tout d’abord ouvrir notre navigateur web et l’utiliser de façon discrète. Ensuite, on va se rendre sur le site de l’hébergeur et trouver la page où « déposer » notre fichier (upload en anglais). Là, il faudra suivre la méthode spécifique à l’hébergeur afin de lui transmettre notre fichier. En général, cette méthode est facile à suivre et, même si elle varie, reste relativement similaire d’un hébergeur à l’autre. Une fois l’upload terminé, l’adresse web à laquelle se trouve le fichier est affichée.

Il est parfois nécessaire d’entrer une adresse mail afin de recevoir cette adresse web : le cas d’usage sur les échanges par mail et le chapitre sur les identités contextuelles vont nous permettre de décider quelle adresse mail fournir dans ce cas.

Une fois le lien obtenu, on peut le diffuser de la manière qui nous convient le mieux. Les personnes qui disposeront du lien pourront télécharger le fichier en le saisissant dans la barre d’adresse d’un navigateur web.


  1. Par exemple les sites du réseau Indymedia et ceux du réseau Mutu.↩︎

  2. CHATONS, pour Collectif d’Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires, est une initiative qui a vu le jour en 2016. Ce collectif a pour objectif de rassembler les organisations souhaitant proposer des services respectueux de la vie privée des personnes qui les utilisent.↩︎

  3. CHATONS, pour Collectif d’Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires, est une initiative qui a vu le jour en 2016. Ce collectif a pour objectif de rassembler les organisations souhaitant proposer des services respectueux de la vie privée des personnes qui les utilisent.↩︎